"La clause de non-concurrence a vocation à s'appliquer à l'issue de la relation de travail. Il s'agit d'une restriction à la liberté de travail car elle a pour objet d'interdire au salarié de travailler dans des entreprises concurrentes. Aussi, la clause de non-concurrence doit être expressément prévue par le contrat de travail. La jurisprudence subordonne la validité d’une telle clause à certaines conditions cumulatives qui doivent être respectées par l’employeur.
Enfin, une attention particulière doit être portée par les employeurs lorsqu’ils entendent renoncer à la mise en œuvre de la clause.
Quelles sont les conditions de validité de la clause de non-concurrence ?
La clause de non-concurrence doit respecter les conditions cumulatives suivantes :
• Être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. soc. 1er mars 1995, n° 93-42754)
On l’applique notamment aux salariés étant en contact avec la clientèle et présentant une certaine expertise qui pourrait menacer l’activité réelle de l’entreprise.
• Être proportionnée à l’atteinte portée à la liberté de travailler (Cass. soc. 28 octobre 1997, n° 94-43792 ; Cass. soc. 18 septembre 2002, n° 99-46136)
• Être limitée dans le temps (durée déterminée) et dans l’espace (secteur géographique donné) (Cass. soc. 8 avril 2021, n° 19-22097)
• Tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié (formation, expérience professionnelle) (Cass. soc. 7 mai 1991, n° 87-43470)
• Être assortie d’une contrepartie financière (Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-45135)
Comment formaliser la clause de non-concurrence ?
La clause de non-concurrence n’est opposable au salarié seulement si ce dernier l’accepte de manière claire et non équivoque (Cass. soc. 1er avril 2020, n° 18-24472). Dès lors, elle doit être formalisée dans le contrat de travail (ou un avenant en cas d’insertion en cours d’exécution du contrat). Si elle est rendue obligatoire par une convention collective (hypothèse rare), il est recommandé de la retranscrire au sein du contrat de travail, afin de s’assurer que le salarié en ait bien connaissance. En tout état de cause, elle ne pourra être plus contraignante que les stipulations conventionnelles de branche (Cass. soc. 14 novembre 2007, n° 06-44284).
Quel est le montant de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ?
Pour fixer le montant de la contrepartie financière, il convient de se référer à la convention collective et de se conformer, à minima, à ses stipulations. En tout état de cause, la négociation entre les parties est de mise.
La plupart du temps, le montant de l’indemnité est exprimé en pourcentage de la rémunération du salarié. Le montant de la contrepartie financière ne peut être dérisoire. Il ne doit pas être minoré ou supprimé selon la gravité de la faute du salarié ayant provoqué son licenciement (Cass. soc. 8 avril 2010, n° 08-43056).
La nature de la rupture du contrat de travail est également sans incidence sur l’application et le montant de la clause de non-concurrence (Cass. soc. 9 avril 2015, n° 13-25847 ; Cass. soc. 4 juin 2008, n° 04-40609).
L’employeur peut-il renoncer à cette clause ?
L’employeur peut y renoncer unilatéralement si une convention collective ou le contrat de travail le lui permet. En revanche, en leur absence, seul un accord entre l’employeur et le salarié peut permettre la levée de la clause. S’il peut intervenir à tout moment par écrit, s’il intervient après la rupture du contrat de travail, la contrepartie financière sera due au prorata du temps écoulé.
À quel moment la renonciation a-t-elle lieu ?
La nature de la rupture influant sur le moment lors duquel l’employeur peut renoncer à la clause, il convient d’en aborder les différentes hypothèses :
Motif de rupture | Moment du levé de la clause par l’employeur |
Licenciement | L’employeur ne le pourra que lors de la rupture du contrat de travail soit à la fin du préavis ou dans le cas d’un licenciement pour faute grave ou lourde, au jour du départ effectif du salarié de l’entreprise (Cass. soc. 13 juillet 2010, n° 09-41626 ; Cass. soc. 22 juin 2011, n° 09-68762 ; Cass. soc. 21 janvier 2015, n° 13-24471) |
Rupture conventionnelle | En cas de rupture conventionnelle, la renonciation doit intervenir au plus tard à la date de rupture fixée par la convention (Cass. soc. 26 janvier 2022, n° 20-15755) |
Période d’essai | La rupture par l’employeur du contrat de travail lors de la période d’essai ne prive pas d’effet la clause de non-concurrence (Cass. soc. 23 mai 2007, n° 06-41338). Il reviendra ainsi à l’employeur de se fier à la convention collective. Si elle reste muette sur le sujet, il est préférable pour l’employeur d’y renoncer à la fin du délai de prévenance. |
Retraite | L’employeur qui n’a pas renoncé dans les délais à la clause, est tenue au versement de la contrepartie financière à compter de la cessation du contrat de travail. Le fait que le salarié ait ou non la possibilité de reprendre une activité n’a aucune incidence (Cass. soc. 24 septembre 2008, n° 07-40098) |
Quel traitement social de l’indemnité de la clause de non-concurrence ?
L’indemnité de non-concurrence a la nature de salaire. Elle est assujettie dès le 1er euro aux cotisations et aux contributions sociales ainsi qu’à l’impôt sur le revenu (Article 80 duodecies du Code général des impôts ; BOSS-IR 1980). Ouvrant droit à congés payés, elle doit être majorée de 10 %. L’employeur ne peut en revanche bénéficier de la réduction de cotisations sur les bas salaires, le salarié n’étant pas en activité.
Quelle incidence pour le salarié au titre des allocations chômage ?
L’indemnité de non-concurrence n’est pas prise en compte pour le calcul du salaire de référence (Circulaire n° 2017-20 du 24 juillet 2017), mais elle est prise en compte en matière de différé d’indemnisation. En cas de versement échelonné, le salarié doit d’indiquer à chaque versement le montant perçu à pôle emploi (Circulaire n° 2021-13 du 19 octobre 2021). L’indemnité de non-concurrence est cumulable intégralement avec l’ARE.
Quelles sanctions en cas de non-respect de la clause de non-concurrence ?
• Par le salarié
Si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence, l’employeur peut cesser le versement de l’indemnité et demander, le cas échéant, la restitution des sommes versées antérieurement (Cass. soc. 6 décembre 1995, n° 92-41812). L’employeur doit être capable de prouver le non-respect de la clause de non-concurrence (Cass. soc. 22 mai 1984, n° 81-42915).
• Par l’employeur
Lorsque que l’employeur ne règle pas la contrepartie financière au salarié, ce dernier dispose de deux options :
- Soit il se libère du respect de son obligation de non-concurrence (Cass soc. 12 mars 1997, n° 94-43326) ;
- Soit il réclame le paiement de la contrepartie financière (Cass. soc. 15 juillet 1998, n° 96-40866)."
Source : www.infodoc-experts.fr - Social | Juin 2022
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