Entretien annuel des salariés au forfait‑jours : Cadre légal et bonnes pratiques
- T2F Groupe

- 30 oct.
- 5 min de lecture
Pour les entreprises qui ont mis en place une convention de forfait en jours (souvent pour des cadres autonomes), l’organisation d’un entretien annuel spécifique — l’« entretien de forfait jours » — n’est pas une simple formalité. Cet entretien permet de vérifier que le système reste conforme aux exigences légales, que la charge de travail reste « raisonnable », et que l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est préservé.
Pour un dirigeant ou un DRH, ne pas respecter cette obligation peut avoir de lourdes conséquences :
Remise en cause de la convention,
requalification du temps de travail,
paiement d’heures supplémentaires,
voire mise en cause de l’obligation de sécurité.
Cet article a pour objectif de présenter de façon claire :
1. Le cadre juridique de l’entretien forfait jours
L’entretien annuel des salariés soumis à une convention de forfait en jours s’inscrit dans un cadre juridique strict défini par le Code du travail (article L.3121-65). Ce dispositif, réservé principalement aux cadres autonomes et à certains salariés disposant d’une réelle indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, permet de décompter le temps de travail non pas en heures, mais en jours. Il suppose toutefois le respect de garanties précises pour assurer la protection du salarié.
Parmi ces garanties, l’entretien annuel est l’un des piliers du dispositif. Il doit aborder quatre thèmes essentiels :
la charge de travail,
l’organisation du travail,
l’articulation entre vie professionnelle et personnelle,
et la rémunération.
Cette rencontre a pour finalité de vérifier que la charge de travail reste raisonnable et que les temps de repos sont effectivement respectés.
La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que l’absence de suivi effectif de la charge de travail peut rendre la convention de forfait en jours inopposable au salarié. Dans un arrêt du 2 mars 2022 (Cass. soc., n°20-15.744), elle a confirmé qu’une entreprise ne respectant pas les entretiens annuels requis expose la convention au risque de nullité et s’expose à devoir verser des rappels d’heures supplémentaires. De même, dans une décision du 27 mars 2019 (Cass. soc., n°17-31.046), l’absence de contrôle de la charge de travail a conduit à la requalification du forfait jours en contrat soumis à la durée légale de 35 heures. Ces décisions illustrent la vigilance constante de la jurisprudence en la matière.
💡L’entretien annuel est une obligation légale mais aussi un instrument de preuve : c’est grâce à lui que l’employeur peut démontrer qu’il exerce un suivi réel et effectif de la charge de travail de ses salariés en forfait jours.

2. Comment le mettre en place concrètement au sein de votre structure
La réussite de l’entretien de forfait jours repose sur une préparation sérieuse. Avant toute chose, il convient d’identifier précisément les salariés concernés : seuls ceux dont les fonctions impliquent une réelle autonomie peuvent être éligibles à une convention de forfait en jours. Chaque salarié doit disposer d’un avenant individuel à son contrat, signé et conforme à l’accord collectif applicable.
Une fois cette étape vérifiée, il faut organiser l’entretien de manière formelle. L’employeur informe le salarié en amont et lui transmet une trame reprenant les points obligatoires à aborder. Les données relatives au nombre de jours travaillés, aux repos pris, aux éventuelles difficultés rencontrées ou aux alertes sur la charge de travail doivent être analysées avant l’échange.
Durant l’entretien, un dialogue constructif doit s’instaurer. Le manager ou le DRH doit inviter le salarié à s’exprimer librement sur sa charge de travail, la faisabilité de ses objectifs et l’équilibre entre ses obligations professionnelles et sa vie personnelle. Cette approche permet d’anticiper les risques de surcharge, de désengagement ou de non‑respect des temps de repos. Le compte rendu de cet échange, cosigné par les deux parties, sera conservé dans le dossier du salarié afin de pouvoir être produit en cas de contrôle ou de litige.
La périodicité doit être annuelle, mais certaines conventions collectives prévoient un rythme semestriel. Il est conseillé de planifier ces entretiens à période fixe — par exemple, en fin d’exercice ou au début d’année — pour garantir la régularité du suivi.
3. Les points de vigilance et bonnes pratiques pour les dirigeants et DRH
La principale vigilance tient à la traçabilité. L’employeur doit être en mesure de prouver non seulement que l’entretien a eu lieu, mais aussi qu’un suivi concret de la charge de travail est réalisé tout au long de l’année. Un entretien expédié ou un simple formulaire signé sans échange réel ne suffira pas à démontrer la conformité du dispositif.
Les dirigeants et DRH doivent également veiller à la cohérence entre le contenu de l’entretien et la réalité du terrain. Si un salarié signale une surcharge de travail, des mesures correctrices doivent être engagées rapidement : réorganisation des missions, ajustement des objectifs, ou recrutement de renforts. Ces actions concrètes illustrent la bonne foi de l’employeur et renforcent la validité du forfait.
Enfin, l’entretien de forfait jours doit s’inscrire dans une démarche plus large de qualité de vie au travail. Dans des contextes urbains et exigeants, il constitue un levier de prévention des risques psychosociaux et un signal fort de la responsabilité sociale de l’entreprise. Un suivi attentif, un dialogue ouvert et une politique claire sur le droit à la déconnexion contribuent à renforcer la confiance et la fidélisation des collaborateurs.
L’entretien annuel du salarié au forfait jours n’est pas une simple contrainte administrative. C’est un outil de gouvernance et de prévention, au service de la performance durable et de la sécurité juridique de l’entreprise.
L’entretien annuel des salariés soumis à une convention de forfait en jours constitue une étape clé de la gestion du temps de travail. Pour l'entreprise c’est l’occasion de vérifier que le dispositif est bien conforme, que la charge de travail reste raisonnable, et que l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est respecté.
Bien préparé, cet entretien devient un outil de performance et de prévention, pas seulement une obligation administrative. Mais attention : en cas de manquement, la convention de forfait peut être remise en cause, ouvrant la voie à des coûts pour l’entreprise (heures supplémentaires, damages, contentieux).
À retenir
L’entretien avec un salarié au forfait jours doit avoir lieu au moins une fois par an et porter sur la charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation vie pro/vie perso et la rémunération ;
Il ne suffit pas de faire l’entretien : il faut un véritable suivi (jours, repos, amplitudes) et la preuve de ce suivi pour sécuriser la convention ;
Une convention de forfait en jours mal suivie peut être nulle ou privée d’effet, avec obligatoire passage en heures et paiement d’heures supplémentaires ;
L’entretien doit être préparé, documenté, suivi d’un plan d’action et faire partie intégrante de la politique RH ;
En tant que dirigeant ou DRH, responsabilisez vos managers, utilisez des supports fiables, et considérez l’entretien comme un levier d’engagement et de bien‑être, plus que comme une contrainte.
















