Nouvelle loi seniors : entretien mi‑carrière, CDI « valorisation de l’expérience », fin de carrière.
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Dans un contexte de vieillissement de la population active et de baisse relative du taux d’emploi des salariés de plus de 55 ans, le législateur est intervenu avec la loi du 24 octobre 2025 pour répondre aux enjeux de l’emploi des « seniors » — ou plus précisément des salariés expérimentés. Cette loi transpose trois accords nationaux interprofessionnels (ANI) et introduit plusieurs mesures importantes concernant le recrutement, le maintien dans l’emploi, les fins de carrière, la reconversion et le dialogue social.

Pour les dirigeants et DRH, il est essentiel de comprendre ces nouveautés afin d’anticiper leurs effets pratiques dans l’entreprise.
1. Les fondements juridiques et objectifs
La loi s’appuie sur plusieurs textes issus du dialogue social :
un ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des salariés expérimentés ;
un ANI sur l’évolution du dialogue social ;
un accord relatif à l’assurance chômage (15 novembre 2024) et prochainement un ANI « transitions et reconversions professionnelles ».
L’objectif global est de renforcer le taux d’emploi des salariés expérimentés, d’aménager plus finement les fins de carrière, d’améliorer le dialogue social et d’accompagner les transitions professionnelles.
2. Recrutement et maintien dans l’emploi des salariés expérimentés
2.1 Un nouveau contrat : le CDI de valorisation de l’expérience
La loi prévoit la création, pour une durée expérimentale (5 ans), d’un nouveau type de contrat : le « CDI de valorisation de l’expérience ». Ce contrat est destiné à l’embauche d’un demandeur d’emploi âgé d’au moins 60 ans (ou selon accord de branche, 57 ans) qui ne bénéficie pas encore d’une retraite à taux plein. Le dispositif vise à lever les freins à l’embauche des plus de 60 ans.
Il prévoit que l’employeur bénéficie de facilités pour la mise à la retraite d’office lorsque le salarié atteint l’âge de la retraite à taux plein, et un régime social « de faveur » sur l’indemnité de rupture.
2.2 Mise à la retraite et âge d’embauche
Indépendamment du CDI de valorisation, le texte prévoit que l’employeur puisse mettre à la retraite un salarié sans considération de son âge lors de l’embauche — ce qui modifie la jurisprudence antérieure où l’âge d’entrée pouvait parfois être pris en compte.
Cette disposition ouvrira de nouvelles marges de manœuvre pour l’employeur, mais impose également une vigilance accrue sur le respect des règles relatives à la discrimination.
2.3 Temps partiel de fin de carrière
Une mesure importante concerne le temps partiel de fin de carrière : sous réserve d’un accord collectif, tout ou partie de l’indemnité de départ à la retraite peut être utilisée pour compenser la perte de revenus liée à une réduction du temps de travail (temps partiel ou forfait‑jours réduit). Le salarié doit en faire la demande, et l’employeur doit donner son accord. Cette modalité permet de lisser la fin de carrière.
Elle permet d’ouvrir une voie intermédiaire entre activité à plein temps et l’arrêt brut de l’emploi.
2.4 Retraite progressive et entretien de réduction d’activité
En matière de retraite progressive (réduction d’activité + versement partiel de pension), l’employeur qui refuse une demande devra désormais justifier sa décision en prenant en compte les conséquences de cette réduction d’activité sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service, ainsi que les éventuelles tensions de recrutement. Cette renversement de logique renforce les droits des salariés en fin de carrière.
3. Renforcement de l’entretien professionnel devenu « entretien de parcours professionnel »
Un dispositif central de cette réforme : l’entretien professionnel (prévu par l’ancien dispositif) est transformé et enrichi.
3.1 Nouvelle périodicité et contenus
Désormais, l’employeur doit organiser un « entretien de parcours professionnel » :
dès la 1ʳᵉ année suivant l’embauche du salarié ;
puis tous les 4 ans, dans le cadre courant ;
En parallèle, l’entretien doit désormais permettre d’évoquer les souhaits de reconversion professionnelle du salarié.
3.2 Entretiens « mi‑carrière » et « fin de carrière »
Le texte introduit deux entretiens spécifiques :
un entretien « mi‑carrière » qui doit être organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi‑carrière (autour de l’âge de 45 ans) ;
un entretien « fin de carrière » organisé dans les deux années précédant le 60ᵉ anniversaire du salarié. Ces entretiens visent notamment à préparer les fins de carrière, envisager d’éventuels aménagements de poste, des reconversions, des transmissions de savoirs, etc.
3.3 Obligation de bilan tous les 8 ans
Le texte prévoit également la remise d’un état récapitulatif tous les 8 ans, qui peut donner lieu à un abondement du compte personnel de formation (CPF) en cas de manquement de l’employeur.
3.4 Implications pour l’entreprise
Il s’agit d’anticiper les parcours et d’intégrer l’expérience des salariés dans la gestion des ressources humaines, plutôt que de voir les fins de carrière comme un simple droit à la mise à la retraite ;
Les DRH devront adapter leurs outils de suivi des entretiens et prévoir les contenus de ces entretiens (parcours, reconversion, fin de carrière) dans leurs accords ou politiques internes ;
Attention aux entreprises de taille importante où l’obligation de négociation est renforcée (voir point 4).
4. Dialogue social, négociation et obligations de branche et d’entreprise
4.1 Obligation de négociation quadriennale sur l’emploi des salariés expérimentés
La loi instaure une obligation de négociation tous les 4 ans (dans les branches professionnelles) et dans les entreprises d’au moins 300 salariés, sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.
L’idée est de ne plus considérer l’emploi des seniors comme un thème marginal, mais comme un sujet central de négociation autonome.
4.2 Plan d’action type pour les entreprises < 300 salariés
L’accord de branche peut comporter un « plan d’action type » pour les entreprises de moins de 300 salariés, ce qui facilite la déclinaison dans les PME.
4.3 Représentants du personnel : suppression de la limite de mandats
Le texte supprime la limitation à trois mandats successifs des membres du comité social et économique (CSE).
Cette mesure participe de l’évolution du dialogue social.
4.4 Implications pour les dirigeants / DRH
Il est recommandé de dès à présent engager ou mettre à jour la négociation sur l’emploi des salariés expérimentés dans votre branche/entreprise ;
Pour les entreprises de 300 salariés et plus, prévoir cette négociation distinctement des autres thèmes (et sur une base quadriennale) ;
Pour les PME (< 300 salariés), rester attentif aux déclinaisons via l’accord de branche ou plan d’action type ;
Le dialogue social autour des salariés expérimentés doit désormais être structuré et anticipé, ce qui suppose une cartographie des âges, des profils, des fins de carrière, etc.
5. Autres mesures notables : Assurance chômage, transitions professionnelles, bonus‑malus
5.1 Assurance chômage & bonus‑malus
Le texte confirme la disparition, pour le calcul du taux de séparation à des fins de bonus‑malus, de certaines ruptures (comme le licenciement pour inaptitude non professionnelle et pour faute grave ou lourde).
Cette disposition vise à assouplir les conditions pour certaines entreprises.
5.2 Transitions et reconversions professionnelles
Le texte habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer les dispositifs de transitions professionnelles (contrats de professionnalisation, suivi des reconversions internes/externes).
Pour les DRH, cela invite à anticiper l’organisation des parcours professionnels, la mobilité interne/externe, et la formation.
5.3 Entrée en vigueur & durée expérimentale
Certaines mesures sont expérimentales (ex : le nouveau CDI « valorisation de l’expérience » pour 5 ans) et d’autres entreront en vigueur après publication des décrets. Il conviendra de suivre la publication des textes d’application.
6. Conseils pratiques pour les dirigeants et DRH
Faire un inventaire des salariés « expérimentés » (âge, ancienneté, parcours, fin de carrière) et identifier les enjeux : départs, compétences, transmission, temps partiel de fin de carrière ;
Mettre à jour vos politiques RH en incluant :
l’entretien de parcours professionnel (réviser modèles, périodicité, contenu)
la possibilité de temps partiel de fin de carrière
le nouveau contrat senior : conditions, opportunités, risques
la négociation obligatoire sur l’emploi des salariés expérimentés (préparer le dialogue avec les partenaires sociaux)
Anticiper les accords de branche : vérifier dans votre secteur s’il existe un accord sur l’emploi des salariés expérimentés, ou préparer un plan d’action type si votre entreprise est < 300 salariés ;
Former les managers et responsables RH pour qu’ils anticipent les entretiens « mi‑carrière » et « fin de carrière », ainsi que les dispositifs de mobilité/reconversion ;
Mettre en place une communication interne pour expliquer aux salariés les nouvelles mesures, notamment sur les fins de carrière, la possibilité de temps partiel, et les entretiens de parcours professionnel ;
Prévoir le suivi et les indicateurs : taux d’emploi des 55‑64 ans dans l’entreprise, nombre d’entretiens réalisés, nombre de salariés en temps partiel de fin de carrière, etc;
Surveiller les décrets d’application car de nombreuses mesures dépendront des textes réglementaires (notamment sur le nouveau contrat, le seuil de 57 ou 60 ans, les modalités exactes du temps partiel de fin de carrière).
La loi du 24 octobre 2025 marque une avancée majeure pour l’emploi des salariés expérimentés et pour le dialogue social en entreprise. Elle introduit des mesures concrètes (nouveau contrat senior, temps partiel de fin de carrière, entretiens de parcours professionnel, obligations de négociation) qui obligent les dirigeants et DRH à anticiper et structurer les parcours des salariés en seconde partie de carrière. Bien préparée, cette réforme peut devenir un levier de gestion des compétences, de fidélisation et de transmission.
À retenir
La création d’un nouveau contrat « CDI de valorisation de l’expérience » réservé aux salariés d’au moins 60 ans ;
Le renforcement des entretiens : périodicité réduite, entretiens « mi‑carrière » et « fin de carrière », état récapitulatif tous les 8 ans ;
La possibilité, sous accord collectif, de temps partiel de fin de carrière financé par l’indemnité de départ à la retraite ;
L’obligation de négocier tous les 4 ans sur l’emploi des salariés expérimentés dans les branches et pour les entreprises ≥ 300 salariés ;
L’intégration de mesures sur l’assurance chômage, les transitions et la reconversion professionnelle, à surveiller via les décrets d’application.
















